La justice russe a condamné lundi à 12 ans de camp à régime sévère pour espionnage le journaliste ukrainien Roman Souchtchenko, qui s’ajoute au nombre croissant de prisonniers ukrainiens en Russie qualifiés de “politiques” par Kiev.
Roman Souchtchenko, 49 ans, a écouté l’énoncé de sa peine la mine sombre et le visage impassible, a constaté une journaliste de l’AFP présente dans la salle d’audience du tribunal de Moscou qui le jugeait.
“Je ferai bien entendu appel. Cette décision n’est pas juste”, a déclaré M. Souchtchenko, qui nie toute culpabilité.
Cette décision intervient alors que le journaliste ukraino-russe Kyrylo Vychynski, arrêté en mai à Kiev, doit être prochainement jugé en Ukraine pour “haute trahison”.
Elle tombe également alors que le réalisateur ukrainien Oleg Sentsov, emprisonné en Russie pour “terrorisme”, a décrété une grève de la faim pour exiger la libération de tous les “prisonniers politiques” ukrainiens détenus en Russie.
L’Ukraine a protesté après la condamnation de Roman Souchtchenko: “C’est une affaire politiquement motivée. Nous exigeons sa libération”, a réagi sur Twitter la porte-parole de la diplomatie ukrainienne Mariana Betsa.
L’avocat de Roman Souchtchenko, Mark Feïguine a également qualifié le procès de “politique” et jugé que la seule chance qui restait à son client était celle d’être échangé contre le journaliste Kyrylo Vychynski détenu en Ukraine.
“J’espère seulement un échange contre Vychynski. L’Ukraine veut l’échanger”, a-t-il déclaré.
Le parquet avait requis 14 ans de prison contre M. Souchtchenko, journaliste de l’agence publique ukrainienne Ukrinform accusé par Moscou d’être un colonel du renseignement ukrainien.
Il était accusé d’avoir “rassemblé à dessein des informations confidentielles sur les activités des forces armées et de la Garde nationale russe”, selon les éléments diffusés par les services de sécurité russes (FSB) après l’arrestation de M. Souchtchenko en 2016.
L’Ukraine affirme de son côté que M. Souchtchenko est bien un journaliste et le correspondant à Paris de l’agence de presse Ukrinform, pour qui il travaillait depuis 2002 et selon laquelle il a été interpellé lors de ces vacances à Moscou.
“Souchtchenko est un journaliste et rassemblait des informations uniquement dans le cadre de sa profession”, a plaidé l’avocat Mark Feïguine. “La condamnation d’un journaliste pour espionnage est une mauvaise tradition”.
– Echanges –
Le président ukrainien Petro Porochenko a dénoncé sur Facebook “un cynisme sans précédent” de la justice russe qui “prouve que le régime du Kremlin ne s’arrêtera devant rien dans sa tentative de briser l’esprit ukrainien”.
Les tensions entre Moscou et Kiev depuis l’annexion de la Crimée en mars 2014 et le déclenchement du conflit dans l’est de l’Ukraine ont conduit à la multiplication d’arrestations d’Ukrainiens accusés d’espionnage en Russie au cours des dernières années.
En Ukraine, le journaliste ukraino-russe Kyrylo Vychynski, responsable du bureau de l’agence de presse publique russe Ria Novosti à Kiev, avait été arrêté en mai lors d’une opération des forces spéciales et inculpé de “haute trahison”.
En Russie, le cinéaste ukrainien Oleg Sentsov, condamné en août 2015 pour “terrorisme” et “trafic d’armes”, a entamé il y a trois semaines une grève de la faim dans la prison du Grand nord où il purge sa peine de 20 ans, pour exiger la libération des “prisonniers politiques” ukrainiens détenus dans le pays.
Le représentant de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) pour la liberté des médias, Harlem Désir, a exigé lundi dans une lettre adressée aux autorités russes la “libération immédiate” de M. Sentsov.
“Sa détention continue est injustifiée (…) Sa voix ne doit pas être passée sous silence, peu importe à quel point elle est critique”, a-t-il plaidé, se disant inquiet pour la santé du cinéaste.
En 2016, un échange de prisonniers avait eu lieu entre Moscou et Kiev impliquant deux militaires russes présumés et l’ancienne pilote militaire ukrainienne Nadia Savtchenko, héroïne désormais accusée d’avoir préparé une attaque contre le Parlement dans son pays.
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