Les pays occidentaux sont la cible de la désinformation prorusse depuis le début de la guerre en Ukraine. Mais la France est particulièrement visée depuis qu’Emmanuel Macron n’a pas exclu l’envoi de troupes occidentales sur le front.
L’idée d’envoyer des troupes en Ukraine, évoquée par Emmanuel Macron, a suscité sur les réseaux sociaux une nouvelle vague de publications mêlant exagérations, approximations et infox, pour souffler sur les braises de ce sujet anxiogène.
« Vous n’êtes pas prêts à ce qu’il va arriver dans notre pays, notre cher gouvernant est prêt, apparemment, à faire la bataille avec Vladimir […]. Tous les réservistes vont être mobilisés […]. Il n’y a pas longtemps a été voté une loi qui stipule que si le pays entre en guerre […], vous pouvez être mobilisés à tout moment. Et si vous refusez, vous encourrez une peine apparemment de prison et une amende », affirme par exemple un internaute vêtu d’une tenue militaire dans une vidéo TikTok « likée » plus de 130000 fois, partagée plus de 10000 et commentée plus de 17000 en quelques jours.
« L’armée de terre recrute et forme 200000 hommes pour mener des opérations en Ukraine », « Le recrutement pour la guerre en Ukraine a commencé. Il est stipulé sur le site que les immigrés sont prioritaires ! », ont écrit des internautes fin mars, relayant un faux site internet de l’armée de terre, invitant « 200 000 » personnes à s’enrôler pour combattre en Ukraine.
Manipulation informationnelle
Si la guerre informationnelle fait rage depuis le début de l’invasion de l’Ukraine en 2022, les pays occidentaux sont ces derniers mois particulièrement ciblés par la désinformation prorusse dans le but de saper le soutien à Kiev, crucial dans sa résistance face à la Russie. Et depuis que le 26 février, Emmanuel Macron n’a pas exclu l’envoi de troupes occidentales sur le front, la France est particulièrement ciblée.
Des manipulations susceptibles d’attiser les craintes d’un affrontement direct France/Russie en Ukraine, perspective que Paris a toujours dit vouloir éviter.
L’éventail des narratifs mêlent infox, affirmations invérifiables ou décontextualisées, et véritables déclarations mais à la portée exagérée, comme autour de l’idée évoquée par le ministre des Armées Sébastien Lecornu de recourir à des réquisitions ou d’imposer aux industriels d’accorder la priorité aux besoins militaires par rapport aux besoins civils, pour accélérer la production.
Une partie de ce bruit numérique est alimentée par l’appareil de manipulation informationnelle des Russes, affirment plusieurs sources.
Une campagne russe agressive contre la France
Le « Wall Street Journal » a affirmé avoir eu accès à une note interne du Kremlin détaillant « les plans de Moscou pour lancer une campagne diplomatique et d’influence pour amplifier les divergences autour de la position de Macron », tandis que experts européens de EUVsDisinfo, rattachés au service diplomatique de l’UE, estimaient jeudi que « parallèlement à la déclaration du président Macron selon laquelle rien ne devrait être exclu en termes de soutien militaire à l’Ukraine, le Kremlin a maintenant lancé une campagne plus agressive pour saper la position française ».
« Ils sont à la manœuvre pour faire passer ce narratif », confirme une source sécuritaire française, sous couvert d’anonymat. « Il y a une forme de coordination par les opérateurs du renseignement militaire russe », explique le chercheur français David Colon, spécialiste de la désinformation. « Pour l’essentiel, cela relève d’un écosystème très largement décentralisé ».
En effet, « il est rare que le Kremlin donne des consignes et ce n’est pas nécessaire pour que son discours soit relayé par les chambres d’écho prorusses », selon lui. Des chaînes Telegram servent de « véhicule principal » des narratifs qui sont ensuite disséminés sur différentes plateformes et relayés par toute sorte de comptes, certains prévus pour cela, mais également par des usagers de bonne foi « qui n’ont pas une volonté » de propager les positions du Kremlin.
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