Le droniste français Parrot s’apprête à sortir un drone adapté aux besoins des forces armées ukrainiennes. Un modèle capable d’être produit rapidement et en nombre, mais aussi et surtout mieux protégé face à un brouillage désormais généralisé.
« En janvier, j’aurai un drone pour les Ukrainiens, pour le front, qui marche sans GPS, robuste au brouillage russe », annonçait fin novembre Henri Seydoux, PDG d’un groupe qui a su se faire un nom auprès d’une vingtaine de clients étatiques. « Depuis un an, je vais en Ukraine », là où « les micro-drones sont devenus très importants », expliquait-il lors d’une des conférences du dernier Forum Innovation Défense (FID) et au lendemain d’un énième déplacement en territoire ukrainien.
D’après le chef d’entreprise, le nombre de drones opérés sur le front russo-ukrainien serait de 200 000 par an tous belligérants confondus. « Les Ukrainiens achètent par semaine ce qu’on a prévu d’acheter jusqu’en 2030 », rappelle-t-il. Soit environ 9000 drones toutes classes confondues pour l’ensemble de la loi de programmation militaire maintenant lancée. Et « ce qui est vrai pour les Ukrainiens est vrai pour les Russes ». Si le besoin est si grand, c’est notamment parce que l’attrition l’est aussi. Derrière les casses, erreurs de pilotage et autres parapluies anti-aériens, ces engins dont aucune armée ne sait se passer pour le renseignement et l’observation affrontent en effet un environnement électromagnétique particulièrement hostile.
La solution de Parrot entend donc répondre à un double enjeu apparu – ou généralisé ? – au cours des 18 derniers mois. D’une part, la massification des outils de guerre électronique. « Les Russes produisent des brouilleurs par milliers », indiquait Henri Seydoux. Et d’autre part, le brouillage du GPS que cette massification permet d’étendre à l’ensemble du front. Le positionnement vital à l’usage des drones y est non seulement brouillé, mais aussi « spoofé ». Autrement dit, un GPS en apparence correct mais en réalité usurpé et « retravaillé » par l’adversaire pour désorienter la machine et l’envoyer dans le décor.
Sur une ligne de front devenue opaque, la mission dépendra de la capacité du système échapper aux pièges électromagnétiques tendus par l’adversaire. Un défi accueilli à bras ouverts par le droniste, qui s’y est plongé dès la fin 2022. L’été d’après, celui-ci allait en Ukraine présenter un premier prototype. Il y revenait en octobre avec un produit pré-industriel avec pour objectif d’être capable de livrer des drones « par milliers » à compter de janvier 2024. « Je suis dans les temps, mais c’est la guerre », relativise le patron d’une entreprise qui dépense 30 M€ en moyenne par an en activités de développement.
Côté capteurs, ce drone de moins d’un kilogramme emporte une caméra jour 21 MP, un zoom x32, une voie thermique FLIR Boson acquise aux États-Unis et un flux vidéo 4K. De bonnes optiques que Parrot fait fabriquer en Asie, notamment par Sony. Le tout est accompagné d’un traitement d’images « maison » et intégré sur une boule gyrostabilisée sur trois axes.
Côté robotique, il propose un usage dans un environnement GPS contraint et une capacité de vol autonome. « Les drones Parrot ont un autopilote programmable fait pour la robotique », pointe Henri Seydoux. Développé depuis 15 ans, cet autopilote combine différents algorithmes et capteurs afin de garantir un vol dans n’importe quelles conditions.
Mais le sujet majeur reste celui du positionnement, « problème complexe » dont la résolution dépend d’ « une collection d’algorithmes ». Sans trahir le secret, Parrot annonce avoir privilégié la combinaison de plusieurs idées. Algorithme de base, « Visual Odometry » consiste à relever, identifier et suivre un certain nombre d’amers dans l’image pour déterminer le mouvement du drone et recalibrer l’unité de mesure inertielle (IMU).
La démarche nécessite néanmoins de se trouver à moins de 100 mètres des points d’intérêts retenus. Avec 500 Go de mémoire embarquée, le drone de Parrot embarque donc la totalité de la cartographie ukrainienne. « En ce moment, nous faisons des tests hiver avec les cartes que [les militaires ukrainiens] nous fournissent et on regarde si on arrive bien à détecter les contours et à faire notre traitement d’images », indiquait Henri Seydoux. Et quand plus rien ne fonctionne, restera toujours le recours à un bon flux d’imagerie.
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