En dépit de la grande cohérence formelle et thématique de l’œuvre, Sergueï Loznitsa échappe largement aux catégorisations et aux classements par sa façon de combiner les gestes de cinéma d’un film à l’autre. Il le fait en « héritier critique » de l’école russe et soviétique à laquelle il fut formé au sein l’Institut national de la cinématographie S. A. Guerassimov (VGIK).
À ses débuts, on a pu, à juste titre, en faire le représentant d’un documentaire de poésie immergé dans une Russie proverbiale et intemporelle. Mais il réalise à la même période des films marqués, avec un sens de la dérision certain, par l’influence des symphonies industrielles soviétiques. En 2005, il inaugure un pan essentiel de son œuvre documentaire : le travail à partir d’archives. Il réalise en 2010 sa première fiction, My Joy, qui intègre directement la principale compétition du festival de Cannes ; les trois suivantes ont également été conviées à la prestigieuse manifestation.
Archives, symphonies industrielles, campagnes archaïques… Loznitsa serait-il ainsi un cinéaste tourné vers le passé, voire passéiste ? Réalisé en 2014, le brûlant Maïdan, qui investit le présent et l’événement en train d’advenir, occupant, en compagnie de la foule de manifestants, l’emblématique place de Kiev, prouve qu’il n’en est rien. Si le passé et l’Histoire intéressent tant Loznitsa, c’est parce qu’ils constituent pour lui la clef du présent.
Arnaud Hée, responsable de la programmation du cycle
Sergei Loznitsa ( Сергій Володимирович Лозниця)
Sergei Loznitsa naît le 5 septembre 1964 à Baranavitchy, en Biélorussie. Sa famille part pour Kiev, en Ukraine, où Loznitsa fait sa scolarité. En 1981, Loznitsa est admis à l’Université Polytechnique de Kiev, où il étudie les mathématiques appliquées et les systèmes de contrôle. En 1987, il est diplômé en ingénierie et mathématiques. De 1987 à 1991, Loznitsa travaille comme scientifique à l’Institut de Cybernétique. Ses missions l’amènent à étudier le développement de systèmes experts, l’intelligence artificielle ainsi que les processus de prise de décision. Parallèlement à son activité principale, Loznitsa est traducteur de japonais en russe et développe un vif intérêt pour le cinéma.
« À l’âge de 24 ans, j’ai ressenti soudain le besoin de faire, dans ma vie, quelque chose de sérieux et d’important. J’avais fait des études de mathématiques, j’avais un métier, mais je ne me sentais pas concerné, ça me passait au-dessus de la tête, si je puis dire. J’ai lu beaucoup pendant ma jeunesse, et peut-être que ces multitudes de textes se sont accumulés en moi et ont déclenché une réaction en chaîne… Je me suis senti poussé vers l’éducation des lettres et des arts. J’avais le choix entre la littérature, l’histoire ou le cinéma. La première faculté que j’ai visitée à Moscou était l’Institut d’État pour le cinéma. J’y suis resté. Et il m’a fallu sept ans pour découvrir que j’avais fait le bon choix. »
Loznitsa évoquera également l’effondrement de l’URSS, et le climat « de romantisme et d’euphorie » qui suivit, pour justifier son choix. C’est donc en 1991 que Loznitsa change de voie : il est alors reçu à l’Institut national de la cinématographie de Moscou et étudie dans l’atelier de Nana Djordjadze. Il en sort diplômé six ans plus tard, avec les honneurs du jury. Il réalise, en 2000, des films documentaires à Saint-Pétersbourg dont le court-métrage La Station, remarqué par la critique. Il reçoit, la même année, une bourse du programme Nipkow à Berlin. Un an plus tard, le cinéaste s’installe, avec sa femme et ses deux filles, en Allemagne, décidant ainsi d’instaurer un peu de distance entre lui et son pays.
« Je pense qu’il est nécessaire pour un cinéaste, ou tout artiste, d’établir une distance avec le sujet dont il traite. C’est ce que Victor Chklovski appelle « otstranenie » qui inspira à Brecht le concept de « distanciation ». C’est une étape nécessaire pour contrôler sa matière, sinon l’émotion prend le dessus et les puissances de la raison et de la création sont mises en péril. Il faut toujours faire un pas de côté, ce qui suppose une certaine duplicité ou une fracture de la personnalité. En physique quantique, c’est que l’on appelle le principe de superposition. »
En 2006, on lui décerne un Nika du meilleur film documentaire pour Blokada consacré au siège de Léningrad au cours de la Seconde Guerre mondiale.
Ses trois longs-métrages ont tous été sélectionnés en compétition officielle au Festival de Cannes : My Joy pour le Festival de Cannes 2010, Dans la brume pour le Festival de Cannes 2012 (il a aussi reçu le prix FIPRESCI de la critique internationale) et Une femme douce pour le Festival de Cannes 2017.
Il est professeur à l’École du nouveau cinéma de Moscou créée en 2012.
Cycle en partenariat avec l’Ambassade des Pays-Bas à Paris, Cinematek et Eye International
Bibliotèque Publique d’Information
LES ÉCRANS, Centre Pompidou,
Cinéma 1 // Cinéma 2
Place Georges-Pompidou, 75004 Paris
Contacts : tél. : 06 72 67 72 78
Métro : Rambuteau (ligne 11), Hôtel de Ville (lignes 1 et 11), Châtelet (lignes 1, 4, 7, 11 et 14)
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Bus : 29, 38, 47, 75
Tarifs : 5€ plein tarif, 3€ Réduit
Gratuite avec le laissez-paser du Centre Pompidou.
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