La répression ne faiblit pas contre les détracteurs du Kremlin. Alexeï Navalny, le principal opposant politique à Vladimir Poutine, a été condamné ce vendredi 4 août à 19 ans de plus de prison à régime sévère. L’avocat et militant anticorruption, emprisonné dans des conditions qui n’ont cessé de se dégrader depuis janvier 2021, a été inculpé sur la base de six articles :
- création d’une communauté extrémiste,
- appels à l’extrémisme,
- création d’une ONG qui porte atteinte aux droits des citoyens,
- financement de l’extrémisme,
- participation de mineurs à des actions dangereuses,
- réhabilitation du nazisme.
L’accusation avait requis 20 ans d’emprisonnement. Navalny va être envoyé dans une «colonie à régime spécial», les prisons à la plus sinistre réputation en Russie, réservées d’ordinaire aux criminels les plus dangereux et les condamnés à la perpétuité.
L’opposant de 47 ans, qui s’est notamment fait connaître par ses enquêtes sur la corruption au sein des élites russes, purge déjà une peine de neuf ans de prison pour «escroquerie» et «outrage à magistrat», autre affaire qu’il dénonce comme étant une vengeance politique. Les audiences de ce nouveau procès se sont déroulées à huis clos dans la colonie pénitentiaire IK-6 à Melekhovo, à 250 km à l’est de Moscou. Alexeï Navalny a été envoyé 17 fois en cellule disciplinaire, ses soutiens dénonçant un harcèlement carcéral. C’est d’ailleurs au cachot punitif qu’il attend son verdict, ayant été une nouvelle fois sanctionné pour s’être «mal présenté» à ses gardiens, a expliqué son avocat Vadim Kobzev sur Twitter.
Jeudi, l’opposant avait affirmé s’attendre à recevoir une peine «stalinienne». «La formule pour la calculer est simple : ce que le procureur a demandé, moins 10-15 %. Ils ont demandé 20 ans, ils donneront 18 ou quelque chose comme ça», a-t-il anticipé dans un message diffusé sur internet par ses proches. Alexeï Navalny se dit également visé par une affaire de «terrorisme» dans une procédure séparée, pour laquelle il risque la prison à vie, mais peu de détails sont connus à ce stade.
Lors de ses dernières déclarations à l’audience fin juillet, il dénonçait la guerre lancée par Vladimir Poutine en Ukraine, selon des messages publiés par ses collaborateurs sur Telegram. Il évoquait «des dizaines de milliers de morts dans la guerre la plus stupide et la plus insensée du XXIe siècle», et finissait sur un message d’espoir: «Tôt ou tard [la Russie] se relèvera. Et il dépend de nous de savoir sur quoi elle s’appuiera à l’avenir». En attendant son verdict, Navalny a rappelé à ses partisans que la dureté de la peine.
«Notre incroyable procès»
Depuis son emprisonnement, l’opposant qui a survécu de peu à un empoisonnement en 2020 continue de publier des messages sur les réseaux sociaux par le biais de ses avocats et collaborateurs, manifestant un esprit combatif malgré les difficultés. En juillet, il ironisait encore sur les nouvelles accusations portées contre lui, en publiant la copie d’un document présumé de l’accusation qui cite, entre autres, un message anti-Poutine dans l’adresse d’un portefeuille Bitcoin utilisé pour un don à son organisation en 2021. «Notre incroyable procès, rempli de preuves convaincantes de ma culpabilité […] touche à sa fin», plaisantait l’opposant, qui a passé déjà trois anniversaires en prison.
Au 18e mois de l’offensive en Ukraine, tous les opposants d’envergure à Vladimir Poutine et son «opération spéciale» ont été jetés en prison ou poussés à l’exil. Le 31 juillet, une peine de 25 ans de prison ferme était confirmée pour Vladimir Kara-Mourza, accusé de «haute trahison» pour avoir dénoncé la guerre. Des milliers de Russes ordinaires ont aussi été poursuivis, notamment pour avoir dénoncé le conflit.
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